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Histoire

Alea jacta est”. Cette fameuse phrase a été prononcée par Jules César en 49 avant J.-C. alors qu’il traverse avec son armée le fleuve Rubicon, déclenchant ainsi la fameuse Guerre Civile et la fuite de son plus illustre adversaire, Pompée. « Les dés sont jetés ».

Pompée et les sénateurs romains qui lui étaient encore fidèles se réfugient alors de l’autre côté de l’Adriatique, pensant être hors de portée des légions ennemies. C’était sans compter le génie stratégique de César, qui décide de traverser le détroit d’Otrante à bord de navires à voile de commerce, durant une nuit tempétueuse d’automne.

Ce risque insensé s’avère payant. Les troupes d’élites débarquent discrètement à Palasë sur une petite plage déserte au sud d’Oricum, l’un des ports stratégiques de la région, alors contrôlé par Pompée. Les soldats ennemis, pensant voir la menace arriver par la mer, sont pris par surprise lorsque César les attaqua par la terre.

C'est lors d'une nuit tempétueuse d'octobre 49 avant J.-C. que César traverse l'Adriatique pour attaquer Oricum © Fondation Octopus« Oricum était un port hautement stratégique, précise Julien Pfyffer, fondateur et président de la Fondation Octopus. Situé au carrefour de l’Adriatique et de la mer Ionienne, il a été le théâtre de cet épisode crucial de la carrière militaire de Jules César au tout début de la Guerre Civile opposant entre eux de fins stratèges militaires romains. Atteindre et conquérir par surprise ce port ennemi était particulièrement risqué. L’histoire de César aurait très bien pu se terminer abruptement en mer, en pleine tempête. Comprendre Oricum, c’est comprendre des pages restées blanches dans les livres d’histoire. »

Les pages blanches n’ont commencé à être remplies que très récemment par les archéologues. En effet, le site d’Oricum, se trouvant sur territoire albanais, a été de fait coupé du monde pendant la majorité du 20ème siècle par l’un des régimes communistes les plus totalitaires de l’histoire. Ce n’est qu’au milieu des années 2000 qu’une équipe d’archéologues albanais et suisses a reçu l’autorisation exceptionnelle d’accéder à ce site.

« Oricum en latin, ou Orikos en grec, était déjà connu comme une ville portuaire importante bien avant que les Romains ne s’y installent, précise Gionata Consagra, doctorant à l’Université de Genève et coordinateur du projet archéologique. Les premières mentions, en grec, la qualifie déjà de port. Puis, les Romains la considèrent comme un lieu de débarquement, une tête de pont pour les armées entre l’Italie et toute cette partie des Balkans. »

La colline d'Oricum. Les descriptions topographiques faites par Jules César il y a plus de 2000 ans sont conformes avec la réalité d'aujourd'hui © Fondation OctopusLes mentions de la petite cité stratégique sont ponctuelles et fugaces. Les auteurs ne dévoilent que trop peu de détails. L’arrivée de Jules César en 49 avant J.-C. change la donne. Dans ses mémoires, le plus célèbre des généraux romains décrit la cité et ses alentours. « Oricum est le premier port qu’occupe César lors de sa poursuite de Pompée, explique l’archéologue Gionata Consagra. Après plusieurs mentions furtives, une bataille s’y déroule. En la décrivant, César nous donne des indications topographiques très précises. Étonnamment, elles correspondent à la réalité d’aujourd’hui. Il n’y a donc pas eu de gros changements topographiques, car la mer se trouve encore là où elle était il y a deux mille ans. »

C’est en ces termes que César mentionne l’une des batailles – perdue – d’Oricum, dans le livre 3  de la Guerre Civile : « Cneius Pompée le fils, qui commandait l’escadre d’Egypte, se dirigea sur Oricum. […] Au prix de beaucoup d’efforts et d’une dépense considérable de projectiles, il fut vainqueur de nos troupes. […] Il occupa à l’autre extrémité la digue naturelle qui protège le port et fait d’Oricum une presqu’île. […] Il put assaillir des deux côtés les vaisseaux de guerre, qui étaient amarrés à terre et vides : il en emmena quatre et mit le feu aux autres. ». Malgré cet échec, César fini par vaincre Pompée et son armée, pour s’élever au rang d’imperator (plus proche du sens de dictateur que d’empereur de nos jours). Tous les épisodes de cette guerre ont été maintes fois décortiqués par les historiens. Tous, sauf la pièce du puzzle nommée Oricum.

Aujourd’hui

Les premiers sondages archéologiques du site ont eu lieu en 2008. Durant les huit années suivantes, les équipes de scientifiques ont enchainé les fouilles de la cité antique, en se concentrant sur les bâtiments terrestres. Ainsi la structure connue sous le nom de « théâtre » a révélé sa véritable fonction : il s’agit en réalité d’une fontaine monumentale (voir épisode 4 des « Mystères d’Orikum). Une porte dans le mur de fortification a également été découverte, appuyant l’hypothèse qu’Oricum était une ville portuaire suffisamment stratégique pour être bien défendue.

Une représentation numérique du bâtiment carré qui se situait sur le haut de la colline d'Oricum. Il s'agissait vraisemblablement d'un atelier de fabrication de vêtements et de voiles de bateau © Fondation OctopusFinalement, presque au sommet de la ville, un bâtiment carré d’une très grande facture a été découvert. Au milieu d’un dallage en terre cuite, qui prouve la qualité et la précision du travail des ouvriers de l’époque, de nombreux pesons en terre cuite ont été retrouvés. Durant l’Antiquité, ces poids étaient couramment utilisés pour maintenir tendus les fils des métiers à tisser. Ce bâtiment pouvait donc avoir été un atelier public de confection de vêtements, ou plus probablement de voiles nécessaires aux navires transportant les blocs de pierre extraits du Karaburun à proximité immédiate de la ville ancienne.

En 2016, en marge de l’étude des carrières de pierre blanche du Karaburun, la Fondation Octopus a mis en évidence des centaines de structures insoupçonnées jusqu’à ce jour. Petite précision qui a toute son importance : tous ces vestiges se trouvent dans la lagune à quelques dizaines de mètres de la ville, sous la surface de l’eau. Le temps est donc venu d’étudier ces restes qui pourraient révéler les dernières traces du port ancien d’Oricum.
Une quantité impressionnante de vestiges sont révélés sur l'orthophotographie réalisé en 2016 © Fondation Octopus

Soutien aux archéologues de l’UNIGE

Les fouilles archéologiques de la cité antique d’Oricum ont véritablement commencé il y a moins de 10 ans. Dans un premier temps, les archéologues se sont concentrés sur les bâtiments terrestres. Avant leur arrivée, plusieurs vestiges avaient été mis à jour, sans avoir révélé leurs véritables fonctions.

Photo panoramique d'Oricum, le bord de mer et la lagune © Octopus FoundationDepuis 2008, les scientifiques ont vraiment fait progresser la compréhension de la ville ancienne. Ils ont par exemple démontré que la structure connue sous le nom de « théâtre » était en réalité une place publique dotée d’un circuit d’eau élaboré, qui s’apparente à une fontaine monumentale. Une porte dans la fortification récemment dégagée appuie désormais l’hypothèse qu’Oricum était une ville portuaire stratégique et bien défendue. Finalement, des objets en terre cuite retrouvés parmi les vestiges d’un bâtiment carré de grande facture architecturale pourraient prouver que la ville était dotée d’une voilerie.

Tous les indices terrestres semblent confirmer une forte activité portuaire, qui devait s’être développée afin de transporter les nombreux blocs de pierre taillés à proximité immédiate de la ville dans les carrières du Karaburun. Mais que reste-il de ce port qui est décrit par Jules César ?

En utilisant l’un de ses drones, la Fondation Octopus a réalisé un orthophotoplan de la lagune (ou plan aérien photographique). Cet outil d’une grande qualité a révélé des centaines de structures submergées par l’eau de la lagune. « Sur la base du plan photographique aérien que nous avons réalisé en septembre 2016, explique Julien Pfyffer, président de la Fondation Octopus, l’idée est d’étudier ces restes de près en 2017, pour pouvoir les dater et les authentifier. Idéalement, les archéologues aimeraient savoir s’il s’agit de restes du port antique dont Jules César parle dans son récit. »

L’équipe spécialisée de la Fondation, tout spécialement constituée pour cette mission, va assister un scientifique fraîchement recruté par l’équipe archéologique de l’UNIGE. Krisztian Gal est un archéologue hongrois de 40 ans et instructeur de plongée sous-marine, spécialisé dans l’étude de vestiges immergés. Il vit aujourd’hui à Genève. « Il y a des archéologues qui vont au travail en vélo, et d’autres en bateau, ajoute-t-il. Le travail est le même. La plongée est simplement un outil pour mener à bien ce travail. »

Il y a plusieurs centaines de vestiges non-documentés qui attendent patiemment sous l'eau de la lagune d'Oricum © Octopus Foundation« Krisztian a travaillé de nombreuses années dans les lacs suisses à la recherche des restes d’habitats néolithiques, précise Julien Pfyffer. Il va diriger les opérations scientifiques dans la lagune d’Oricum. L’équipe de la Fondation sera là pour être ses yeux et ses mains. Nous mettrons aussi à disposition des archéologues tout notre équipement technologique, que ce soit la photographie sous-marine, la modélisation 3D, les drones dans les airs ou le sous-marin pour mieux observer et comprendre ce qui se cache dans l’eau. »

Gionata Consagra, le responsable de la mission archéologique albano-suisse à Orikos-Oricum, apprécie le soutien de la Fondation Octopus : « C’est grâce à l’intérêt et aux moyens de la Fondation que nous avons pu mettre en évidence des centaines de structures insoupçonnées jusqu’à aujourd’hui. Cette année, Julien Pfyffer et son équipe apporteront une aide précieuse à Krisztian Gal, qui pourra compter sur des plongeurs spécialisés pour faire une reconnaissance précise des structures subaquatiques. Sans eux, il aurait fallu monter une équipe d’étudiants en archéologie subaquatique, une filière qui n’existe tout simplement pas en Suisse. »

Modèle 3D

Les archéologues de l’université de Genève et de l’Institut albanais ont demandé à la Fondation Octopus d’étudier la baie et la lagune qui se trouvent à proximité immédiate de la cité antique d’Oricum. Suite à la mission de septembre 2016, la Fondation est fière de présenter les modèles 3D obtenus grâce à plusieurs centaines de photos prises sur place.

Ici, une modélisation multi-couche d’une ancienne carrière, l’activité principale de l’ancienne cité. La pierre blanche immaculée de la péninsule du Karaburun était utilisée par les sculpteurs jusque dans la capitale, Rome. Grâce au modèle ci-dessous, nous pouvons clairement voir que la côte a été en grande partie creusée par les tailleurs de pierre de l’époque.

 

Utilisation du modèle : En cliquant sur le sigle au centre de la fenêtre, et une fois le modèle chargé, vous pouvez faire tourner la zone en cliquant au centre et en déplaçant votre curseur dans tous les sens. Vous pouvez aussi zoomer et déplacer le modèle dans l’espace en maintenant la touche majuscule enfoncée.

De façon simple et gratuite, la Fondation Octopus prouve qu’il est possible d’emmener le public sur des sites anciens et de leur faire découvrir certains trésors historiques, dans les profondeurs de la mer ou depuis les airs. Comme par exemple ici, à Oricum, une cité antique bâtie sur une petite colline de roche :

Orthophotoplan

Que ce soit pour le public ou des passionnés de plongée, ces modèles numériques sont des outils de visualisation efficaces. Mais sont-ils aussi utiles pour les scientifiques ? Rappelons que le premier objectif de la Fondation Octopus est de soutenir la recherche et l’exploration scientifique des océans.

Du modèle 3D numérique, élément simple de visualisation, le programme informatique permet d’extraire un outil qui, lui, est scientifique : l’orthophotoplan. Par une projection verticale de l’ensemble du relief sur un plan horizontal, cette carte d’une précision centimétrique respecte toutes les dimensions au sol.

L'orthophotoplan qui a révélé des centaines de structures sous la surface de l'eau de la lagune d'Oricum © Octopus Foundation

Bande dessinée

Dessin d'Antoine Bugeon, qui représente la botte de l'Italie, la côte Albanaise, et l'Adriatique entre les deux. Sujet de batailles navales et terrestres entre César et Pompée © Octopus FoundationParce que la Fondation Octopus a l’ambition de sensibiliser tous les âges sur les beautés de la mer à découvrir, nous souhaitons raconter les missions de certains de nos projets en bandes dessinées. En plus des plongeurs, marins, journalistes, biologistes et historiens, l’équipe de la Fondation a la chance de compter dans ses rangs Antoine Bugeon, un jeune et talentueux dessinateur qui se trouve être aussi un marin confirmé.

Nous lui avons donc proposé de raconter les coulisses de la mission Oricum – 2017, pour permettre au lecteur de comprendre l’importance de ce site historique.

Ici, Antoine a parfaitement réussi à capturer l’ambiance des fouilles archéologiques en septembre 2016.

La fontaine monumentale d'Oricum, dessinée par d'Antoine Bugeon © Octopus Foundation

Passe moi les Jumelles, vendredi 6 avril 2018, Radio Télévision Suisse (RTS)

« Ceux qui font parler les pierres ».
Voici une émission qui s’annonce comme un beau voyage, sur les traces d’archéologues de l’Université de Genève partis en mission dans la baie de Vlora, dans le sud de l’Albanie. Pour faire parler les pierres du site d’Oricum et tenter ainsi de recomposer le puzzle de nos racines historiques, ils se sont unis à leurs homologues de Tirana, à des ouvriers de la région, à des restaurateurs, ainsi qu’à des plongeurs. L’occasion aussi de découvrir un pays, fermé aux regards des autres jusqu’en 1991, son sens de l’accueil et son hospitalité. Pour en parler avec Virginie, c’est une femme qui connaît bien ce pays, puisque c’est le sien. Albana Krasniqi Malaj est la directrice de l’Université populaire albanaise. Elle est l’invitée de Paju à la Cabane Perrenoud.

Websérie, YouTube

La web-série de huit épisodes qui vous permet de suivre l’équipe de la Fondation Octopus sur les traces de Jules César en Albanie:

Membres de l'équipe

Julien PFYFFER
Fondateur et président

Ariel FUCHS
Conseiller international

Antoine BUGEON
Dessinateur et marin

Philippe HENRY
Responsable image

Sébastien ROUSSEAU
Responsable navigation

Christophe VIGNAUX
Plongeur et skipper

Margaux CHALAS
Marin et intendance

Andy GUINAND
Responsable robotique

Krisztian Gal
Archéologue subaquatique