
Les villages lacustres de Neuchâtel (Suisse, 2023)
Il y a 5000 ans, les hommes ont construit des villages en bois sur les bords des lacs alpins. Ces villages « palafittiques » ont fini par tous être abandonnés, leurs vestiges rapidement recouverts par les sédiments déposés par l’élévation du niveau de l’eau. Isolés de l’air, le bois et le mobilier de ces villages sont restés intacts, représentant des sources inouïes d’information sur la façon dont vivaient nos très lointains ancêtres. Mais aujourd’hui, certains sites archéologiques pourraient être menacés par les effets conjoints de l’érosion naturelle et des activités humaines.
Qui pourrait imaginer qu’à quelques mètres de profondeur dans le lac de Neuchâtel en Suisse, les restes de plusieurs dizaines de villages du néolithique et de l’âge du bronze reposent depuis près de 5’000 ans pour les plus anciens ? Ces villages « palafittiques » ont été érigés par les premiers cultivateurs d’Europe Centrale. Les sédiments des eaux des lacs alpins ont rapidement recouverts les villages après leur abandon. Les vestiges ont ainsi été protégés de l’air et des organismes tels que les vers qui auraient pu les dégrader ou les faire disparaître. Aujourd’hui, du bois, des tissus, de la nourriture, des outils en pierre ou en bronze sont encore remarquablement conservés dans ces véritables capsules temporelles que sont nos lacs.
Aucun autre endroit sur terre n’offre une vision aussi claire de l’évolution des communautés villageoises du Néolithique et de l’Âge du Bronze. Les vestiges de ces habitats sont notre principale source de renseignements sur les sociétés agraires de la Préhistoire en Europe.

Des villages palafittiques de nos lointains ancêtres ont été répertoriés par des archéologues experts dans les lacs de l’ensemble des pays bordant la chaîne des Alpes, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, en Slovénie, en Italie ainsi qu’en France. Les 111 villages les plus importants et les mieux préservés aujourd’hui encore ont été classés par l’UNESCO au Patrimoine Mondial de l’Humanité en 2011, comme un objet unique à protéger à tout prix.

Ce classement implique qu’il revient à chacun des six pays concernés de mettre en place des outils précis pour mesurer dans le temps l’évolution de la couche de sédiment protégeant chacun de ces villages. Sur la base de ces informations, les archéologues doivent prendre toutes les mesures nécessaires de protection, sans les fouiller, pour les futures générations.
Depuis 2019, la Fondation Octopus a soutenu à plusieurs reprises les fouilles archéologiques subaquatiques menées par les départements du patrimoines des cantons de Genève et de Neuchâtel. A chaque fois, la direction scientifique revient aux archéologues du canton concerné, et les opérations de fouilles ou de monitoring dans l’eau sont effectuées par l’équipe de marins et de plongeurs professionnels de la Fondation Octopus.
Ainsi, entre 2019 et 2020, nous avons réalisé avec l’archéologue Fabien Langenegger la mise au jour de trois épaves d’importance majeure dans le lac de Neuchâtel. L’équipe de la Fondation a réalisé l’étude et les modèles 3D dans l’eau de ces vestiges de l’époque gallo-romaine, du 16e siècle et du 18e siècle, avant de les protéger à nouveau en les recouvrant d’une épaisse couche de sédiments.
Pour 2023, le département d’archéologie de Neuchâtel (Fabien Langenegger) fait à nouveau appel à l’équipe de la Fondation Octopus pour se lancer dans un projet très ambitieux qui serait une première dans le milieu de l’archéologie subaquatique.
Les six pays bordant l’arc alpin (Suisse, Allemagne, Autriche, Slovénie, Italie et France) possèdent des trésors archéologiques dans leurs lacs puisque les restes souvent très bien préservés des villages du néolithiques et de l’âge du bronze ont été très vite abandonnés et recouverts par des crues importantes. Aujourd’hui, certains de ces villages les plus importants sont classés par l’UNESCO avec une interdiction d’y effectuer des fouilles archéologiques qui s’avéreraient destructrices.
Avec Fabien Langenegger, la Fondation Octopus veut faire la démonstration qu’il est possible de faire des fouilles non destructrices sur un village du néolithique non classé puisque chaque objet sera étudié, modélisé en 3D et replacé à l’endroit précis de sa découverte. Au terme de cette mission expérimentale, les deux zones tests seront à nouveau recouvertes par les sédiments et surveillées.