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La mer Ionienne est un refuge pour les phoques moines de Méditerranée, une espèce clé menacée depuis de nombreuses années.

Aujourd’hui, grâce aux efforts de protection et surtout aux améliorations des connaissances, la population de cet emblématique mammifère marin semble se porter mieux. Néanmoins, il ne cesse de nous surprendre au fur et à mesure de son étude par les biologistes.

En 2021, l’équipe de la Fondation Octopus faisait face à un mystère. Autour de l’un des sites monitorés dans les îles Ioniennes, plusieurs phoques étaient quotidiennement observés en train de nager, mais ils étaient absents de la plage de la grotte équipée de nos caméras autonomes. Où pouvaient-ils bien aller ?

C’est en observant la zone devant la grotte principale que nous avons réalisé qu’il y avait une petite entrée sous-marine (à environ deux mètres de profondeur) menant à une cavité où il y avait une poche d’air.

Nous nous sommes alors posés la question : Se pourrait-il que les phoque se reposent dans cette cavité, à l’abri, mais tout en restant dans l’eau ?

Il faut savoir que le phoque moine est un animal craintif, qui préfère maintenir ses distance avec les hommes. Il est donc actuellement rarement vu sur les plages ouvertes, choisissant plutôt les endroits difficiles d’accès comme des grottes.

Cette “nouvelle” grotte sous-marine, accessible uniquement par un tunnel immergé, semble être le havre de paix ultime pour cet as de la plongée. Mais pour savoir ce que les animaux pouvait y faire, nous allions devoir travailler sur une caméra étanche…

Heureusement, cette « nouvelle » grotte est située juste à côté d’une grotte que nous étudions depuis plusieurs années au moyen d’un système autonome composé de deux caméras, d’un routeur 3G, d’une batterie et d’un panneau solaire. Il devenait dès lors possible d’y ajouter une nouvelle caméra.

Nous étions cette fois confronté aux problématiques liées à l’eau de mer, à la pression, et… aux dents d’un carnivore sous-marin. Après des mois de R&D et de tests, nous avons créé notre premier prototype de monitoring sous-marin.

Ce nouveau module est composé de trois parties : Le caisson étanche est constitué d’un tube d’aluminium et de bouchons en acrylique (1). Vendu par Blue Robotics, il résiste à une pression équivalente à plusieurs centaines de mètres de profondeur. À l’intérieur du tube se trouve une caméra POE (power-over-ethernet) qui a été légèrement modifiée (2). Sa casquette de protection a été coupée pour pouvoir se plaquer contre la plaque d’acrylique et son pieds de fixation mural a été enlevé. Finalement, un câble Ethernet SFTP résistant passe par un presse-étoupe dans la plaque arrière du caisson pour rejoindre la surface (3) où se trouve la boîte de contrôle générale du kit ainsi que la batterie 12V qui l’alimente.

En juillet 2020, ce premier prototype a été connecté à notre kit autonome. En mode manuel et grâce au routeur 3G/4G, il nous est possible de déclencher des photos et des vidéos à distance. En mode automatique, notre caméra sous-marine a été paramétrée pour prendre une photo toutes les 15 minutes. Les résultats ont été rapides, dépassant de loin toutes nos espérances. Les photos et vidéos ont démontré une utilisation très importante de cette grotte immergée par plusieurs phoques, de jour comme de nuit.

Très rapidement après l’installation, les phoques se sont intéressés à ce nouvel objet qui est apparu dans leur environnement. Il a par la suite été très vite oublié. Les animaux sauvages ont eu alors des comportements naturels. Malheureusement, cette première expérience n’a duré que deux semaines, car l’étanchéité du premier presse-étoupe n’était pas parfaite, et l’électronique a finalement pris l’eau.

L’année suivante, en juin 2021, après avoir amélioré l’étanchéité de la connectique, nos efforts ont été finalement récompensés. La caméra sous-marine a fonctionné 124 jours (soit environ quatre mois), avant qu’une violente tempête ne s’abatte sur la région et que les vagues finissent par sectionner le câble Ethernet. Nous avons toutefois réussi à récupérer notre caméra pour constater qu’à l’intérieur du tube tout était encore en parfait état et pourra donc être réinstallé à l’avenir.

L’utilisation aussi importante de grottes sous-marines et sans plage a beaucoup surpris et intéressé les biologistes qui travaillent sur le sujet. Il est possible que cette découverte mène à une réévaluation de ce qui constitue l’habitat réel des phoques moines de Méditerranée !

Projet en partenariat avec Ionian Dolphin Project et Kosamare.